«Lorsque le peintre s’en va, dans une merveilleuse investigation de la nature, à la recherche d’impressions intenses d’images énigmatiques mais sublimes, on se rend vite à l’évidence, comme l’avait vu Marcel Proust dans « Le temps réservé » il y a 87 ans de cela, que par l’art seulement, nous pouvons sortir de nous ,savoir ce que voit un autre de cet univers qui n’est pas le même que le notre. Sinon que dire de ces images comme qui dirait prises à l’état premier de la vie sur une biosphère en gestation. Je me veux un martien, ai-je entendu dire de l’artiste. Voilà ce qui est fait. Et les quarante années de ressourcement passées par Mostafa El Ansari à l’observatoire n’ont nullement été vaines. Le météorologue doublé d’un artiste sensible aux fluctuations du temps et l’espace se complait fort bien dans ce réservoir d’idées, d’inspirations inépuisables qu’est la nature. »

Ahmed El Fassi, Tanger 2009

L’homme établit ainsi une parfaite corrélation entre son métier et son art. Ce peintre jette sur la toile ce qui le passionne. Et que peut passionner une personne qui passe le plus clair de son temps à faire les prévisions du temps ? La connexion qui rattache le métier d’El Ansari à son art est si forte qu’elle va au-delà de la récupération d’un lexique propre à un domaine pour le transcrire dans l’art. L’interdépendance entre le métier de l’intéressé et son art est en effet telle, qu’il n’est pas possible de voir ses tableaux en dehors de la passion qu’il éprouve pour la météorologie. Mostafa El Ansari entend expliquer d’une façon rigoureuse son art avec ce qui relève de la météorologie. Il ne s’agit pas de la simple influence de son métier sur l’art , mais de la transcription stricte de ce métier dans l’art. Mostafa est un passionné, nul doute là-dessus. Il s’est frayé sa voie d’une façon très originale dans le domaine des arts plastiques. L’originalité, quand elle est servie par la passion, a du bon. Mostafa El Ansari parle de sa peinture comme de la météo. Il est probe et se tient en marge des querelles sur l’art. Il fait partie de ces excentriques dont l’excès désarme toutes les critiques.

Aziz Daki, Aujourd’hui le Maroc Mai 2002

La Nature nous vend ce qu’on croit qu’elle donne et El Ansari se jouant allègrement d’un style à l’autre comme de la vie, excelle à nous interroger tant sur la Nature que sur nous-mêmes. Et cette rétrospective s’évertue à le démontrer d’une façon patente. Son travail de longue haleine révèle une peinture hors-norme qui dérange ou éblouit mais ne laisse pas indifférent car – dans les faits – elle sera exposée tant des cimaises réputées que sur de modestes murs dont les auteurs ne lui offrent qu’amitié. Fidèle et homme de vérité, il cherchera une voie entre figuratif, abstrait ou néo-expressionnisme sans se laisser prendre dans un catalogage artificiel. Sa force créatrice intarissable, sa sensibilité à fleur de peau, exacerbée par les âpretés de la vie, le conduisent à puiser ses sources dans son ressenti et à le transmettre – magnifié – par un choix de couleurs chatoyantes, de formes atypiques qui dénotent son particularisme. Ne se confinant ni dans la simplicité ou la médiocrité et, exécrant la facilité, il étonne et détonne tel un coup de canon brisant le silence d’un univers pictural marocain conventionnel encore timide mais riche de potentialités. Un parcours sans faute, à l’exception de celle d’introduire une vision scientifique à l’Art nonobstant les contempteurs. L’originalité de son œuvre n’a d’égale que son infinie générosité d’esprit et de cœur.

Jean-François Boutin